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LE SALUT ?

Mes amis m’avaient dit la veille : « Il a sept fils. » C’est admirable… et confondant ! Moi qui n’en ai qu’un… et je ne l’ai pas ! Cette séparation me pèse : j’ai envie, certains jours, de filer dans la montagne. Mais ce n’est plus le moment d’y penser.

Saint-Remy habite près de l’École Militaire. À peine étais-je chez lui, qu’il m’a dit d’un ton discret :

— Mes fils et moi, nous aimons ce quartier d’officiers. On s’y sent plus alerte et plus discipliné qu’ailleurs.

Puis sans me regarder :

— Je vous présenterai tout à l’heure, à Mme  Saint-Remy. C’est une femme modeste, et supérieure… Elle m’a donné sept fils, ce qui n’est pas qu’une preuve d’amour, mais la volonté constante de servir son pays. Elle ne fait pas de discours, n’a pas l’âme oratoire ; elle sait dire : « Il faut… » Elle ne réduit pas la vie aux petites joies de la famille. Vraiment, elle pense à la patrie.

C’était dit avec une extrême simplicité. Je ne pus m’empêcher de penser : « Famille patriarcale… Au cœur de Paris… La France n’est pas morte ! »

Là-dessus il s’était levé. Il voulut me présenter trois de ses fils. Les deux derniers sont au collège ; l’aîné travaille en Angleterre ; le second fait son service. Je vis arriver trois jeunes garçons tellement pareils, que