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Quand j’en ai bourré ma bouche tant que je peux, de la sirope, ça a un goût si fort, comme brûlé, qu’on croit qu’on n’aura jamais plus faim après quelque chose d’autre. Mais il faut que j’en mange le plus possible maintenant parce que je ne sais jamais quand je pourrai encore revenir au tonneau. Et puis, quand on va m’attraper, on me barbotera et j’aurai encore des calottes ; et je veux que ça soye pour quéque chose, et que j’aie encore bon de repenser à la bonne plaquante sirope sur le temps qu’on me battra.

Maintenant je n’ai plus faim ; c’est toujours comme ça ! Quand je commence à voler la sirope, il me semble que je mangerais bien tout le tonneau. Puis un peu après, ça me dégoûte presque, parce qu’il y en a trop et peut-être aussi parce que c’est bon. Les dernières fois que je trempe mon doigt, je m’amuse à chipoter dans la sirope et je fais un beau dessin. C’est le portrait de M. le Curé, avec un nez tout bètchou et son carré bonnet sur la tête. Il me faut faire aussi tous les stroucks de sa barbe sur son menton, et j’enfonce toujours mon doigt dans la sirope que je ralèche après.

C’est assez maintenant et je ne sais plus quoi faire ; le dessin avec mon doigt, je le faisais pour m’obliger à manger ce qu’il y