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MES SOUVENIRS

des craintes qui s’étaient assoupies. On redoutait son influence sur l’esprit de son souverain et l’on déplorait le mauvais effet que ce choix ne pouvait manquer de produire à Vienne. L’Empereur en avait éprouvé une pénible surprise et s’en était plaint à son beau-frère dans les termes les plus vifs, car on prétendait qu’en écartant M. de Radowitz des affaires le roi Frédéric-Guillaume avait promis à l’Empereur qu’il s’en séparait pour toujours. L’Empereur avait été d’autant plus contrarié de cette nouvelle qu’il se promettait de réconcilier l’Autriche et la Prusse, et que grâce à lui un certain rapprochement s’était déjà opéré entre les deux souverains. Ce qui froissait surtout l’empereur Nicolas, c’était de voir revenir près du Roi un écrivain (il avait une grande antipathie pour tous les hommes de lettres) et un homme qui à la qualité de catholique ardent joignait la réputation d’être peu porté pour la Russie, d’avoir blâmé son intervention en Hongrie et de vouloir agiter l’Allemagne au profit de la Prusse.

On cherchait à atténuer la gravité de cette nomination en t’attribuant, non pas à une pensée politique, mais à un nouveau caprice du Roi et à la versatilité de son caractère.

À un diner chez moi, je demandai au ministre de Prusse, dont l’intimité avec l’empereur Nicolas était