Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 2.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
CHAPITRE DEUXIÈME

pereur Nicolas, je ne cessai très loyalement de chercher à réagir contre un aveuglement et une faiblesse qu’il ne pouvait me faire partager. Pour mieux réussir, j’entrepris même un travail biographique sur le Tzar, essayant de montrer sous toutes leurs faces son caractère et ses tendances ; mais je ne parvins pas à ébranler la confiance de M. de Castelbajac.

La situation intérieure de la France aggravait encore ces difficultés. En août 1852, la société russe s’attendait à ce que l’Empire fût rétabli en France. Les voyages du Président, l’enthousiasme avec lequel il était accueilli, son discours de Bordeaux, où il avait prononcé la parole célèbre : L’Empire, c’est la paix, annonçaient un dénouement imminent qui ne surprit personne à Saint-Pétersbourg.

L’empereur Nicolas avait pris en mauvaise part une phrase du discours de Bordeaux où le Prince Président disait : « Lorsque la France est satisfaite, l’Europe est tranquille. » — « La France se croit donc dans l’axe du monde ? » dit-il. Le prince de Schwarzenberg tenait cependant à peu près le même langage sous une forme humoristique : « Lorsque la France est enrhumée, l’Europe éternue. »

Ce discours préoccupait tout le monde ; ces assurances de paix sont bonnes, sans doute, disait-on ;