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CHAPITRE TROISIÈME

princesse avait autant d’esprit que son mari en avait peu. Tous deux furent très bien reçus par le roi Charles-Albert et par la reine Marie-Thérèse. La cour de Sardaigne leur donna le titre de Majesté. Ils venaient fréquemment dîner et passer leurs soirées au Palais, pendant que le roi et la reine faisaient séjour à Gênes. Don Carlos était d’une telle nullité qu’il était incapable d’adresser la parole à qui que ce fût. Quand Charles-Albert, lui présentant les personnes de sa cour, l’obligeait, après le dîner, à leur adresser la parole, son embarras était extrême ; il ôtait et remettait ses gants pendant cinq minutes et finissait par dire d’un air effrayé : Il pleut ou il fait beau temps. Deux fois par semaine, les Majestés espagnoles recevaient chez elles, assises toutes deux sur un sofa, les visiteurs sur des chaises placées en cercle. On était annoncé à haute voix par un vieux général qui ouvrait la porte et restait ensuite dans l’antichambre comme un laquais. Les personnes admises à la réception s’en allaient quand bon leur semblait, sans être obligées d’attendre une parole de congé. Don Carlos n’ouvrait jamais la bouche ; sa femme seule faisait très aimablement les frais de la conversation. Elle était de petite taille et assez forte, mais elle avait de beaux traits tandis que don Carlos était d’une laideur repoussante ; ses deux fils