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CHAPITRE ONZIÈME

piémontais, Votre Excellence voudra bien comprendre qu’il me serait pénible de ne pas m’abstenir de m’asseoir à la table des vainqueurs. » Il nous dit en nous montrant un drapeau piémontais, trophée placé au milieu de sa chambre, que les hasards de la guerre l’avaient conduit dans ce palais, mais qu’il espérait que la paix allait se faire. Son langage était très modéré ; il se montra pour nous d’une grande politesse. Il donna au général Hess l’ordre de nous délivrer tous les laissez-passer dont nous pouvions avoir besoin : nous pûmes ainsi visiter tout le champ de bataille. Nous allâmes à la Bicocca, nous arrêtant dans tous les endroits où les combats les plus sanglants avaient été livrés. Un major de chasseurs tyroliens nous accompagnait. Il nous fit entrer dans une vigne dont le sol avait été labouré par les boulets[1]. L’écorce des mûriers et des ceps de vigne avait été enlevée par les projectiles, des chevaux jonchaient le sol couvert de décombres, d’arbres brisés et de bâtiments aux murs éventrés. On achevait de combler les fossés où les morts avaient été placés. Autour de l’église de la Bicocca ce spectacle de désolation et de ruine était navrant ; les maisons avaient été traversées de part en part par les boulets.

  1. J’en ai rapporté un qui se trouve aujourd’hui dans mes vitrines du Breuil.