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MES SOUVENIRS

l’influence que la capitale y exerçait. La monarchie sarde avait employé ces trente-quatre années de paix, à peine interrompue, à resserrer les liens de son autorité. Quelques perfectionnements avaient été apportés dans les codes, mais nulle part la vie politique n’avait été donnée au pays par des institutions libérales pouvant conduire sans secousse à un gouvernement parlementaire, telles que des conseils municipaux, des assemblées de province, etc., etc. Le pays ne les réclamait pas d’ailleurs. La vie était douce et facile. Pourvu qu’on ne désirât rien en dehors du foyer domestique le bien-être individuel était à peu près assuré.

Les événements de 1848 étaient venus surprendre cette nation et ce pouvoir endormis dans une existence si calme et si facile. Charles-Albert qui avait refusé à ses sujets les institutions les moins dangereuses, qui avait même frappé d’interdiction une société d’agriculture parce qu’on y parlait politique, leur accorda tout à coup, du jour au lendemain, toutes les libertés à la fois dans, le but de satisfaire son ambition par des conquêtes. La noblesse protesta, la classe moyenne s’abstint. Les chambres se composèrent de deux catégories de députés : quelques nobles éclairés qui prirent le gouvernement constitutionnel au sérieux, des avocats, des pro-