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MES SOUVENIRS

moralement comprimée par le jésuitisme. Il reprochait à l’Europe, comme un acte d’ingratitude, de laisser comprimer par l’Autriche le génie de cette Italie qui avait été la mère de la civilisation moderne. Pour le faire revivre, il ne s’agissait que de secouer le joug du jésuitisme à Rome et de l’Autriche dans la Lombardie : dès lors l’Italie unie et délivrée donnerait, sous la direction du Pape, l’exemple et le modèle de la vraie liberté destinée à régir le monde.

Cet ouvrage avait fait une grande impression sur les Italiens. L’exilé était revenu en 1848 triomphant dans sa patrie où il jouissait d’une immense popularité. Gioberti était un rêveur sans aucun esprit pratique. Il avait un instant fait partie du ministère pendant la guerre, et après la retraite de Milan, en août 1848, il avait été question de le faire entrer dans le ministère Alfieri. Le comte de Revel eut avec lui à cette occasion une conversation des plus caractéristiques. Gioberti posa comme condition qu’on s’appuierait sur le dévouement du peuple pour recommencer la lutte et délivrer l’Italie. « Je le veux bien, dit M. de Revel, mais comment l’entendez-vous ? — On enrôlera tout le monde depuis dix-huit ans jusqu’à quarante ans. — Très bien ; mais si on refuse de marcher ? — Eh bien ! on les y obli-