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MES SOUVENIRS

redressa, regarda fièrement ce grand seigneur qui manquait complètement à l’étiquette et laissa tomber du plus haut qu’il put le plateau sur le parquet. On comprend le fracas, le patatras que fit en tombant le plateau de vermeil, garni de verres et d’argenterie. Le grand maître des cérémonies, étant survenu, gronda Cavour de sa prétendue maladresse, mais celui-ci dit qu’il l’avait fait exprès. Le roi et la reine s’informèrent de ce qui venait d’arriver ; les valets de pied, à leur tour, accoururent pour relever les verres et enlever les taches de toutes sortes qui en étaient résultées dans le salon royal. Pendant ce temps le jeune Cavour s’esquiva au plus vite, annonçant au duc Pasqua qu’il ne voulait pas plus longtemps être « le domestique du roi » ; que du reste le grand personnage qui avait pris la glace n’en avait pas le droit, qu’il avait violé ainsi toutes les règles et tous les usages de la cour et que, dès lors, il lui était bien permis, à lui, de se débarrasser du plateau de cette façon ! C’est après cette malice adroitement combinée et qui donnait la mesure d’une résolution bien arrêtée d’avoir sur tout le dernier mot, qu’il entra à l’École militaire.

À mon arrivée à Turin, tout en suivant journellement pas à pas les progrès de la guerre, je voulus me mettre au courant des événements qui avaient pré-