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CHAPITRE CINQUIÈME

t-il avec emphase en mettant une main sur son cœur et en levant l’autre vers le ciel, je viens d’avoir une inspiration ! »

Les inspirations de Boileau, en effet, n’étaient pas à dédaigner. Les convives de la duchesse pouvaient constater — ce que je fis moi-même, — qu’elles étaient dignes de son grand renom. Les menus étaient parfaits, les dîners cuits à point et Cavour, grand mangeur, y faisait toujours honneur.

J’ai entendu raconter souvent alors par la duchesse de Clermont-Tonnerre que Cavour dans sa jeunesse avait été un instant page du roi et qu’il avait quitté la cour, qui suivait alors toutes les règles de l’étiquette espagnole la plus sévère, par un coup de tête. Les pages, comme on le sait, dans les fêtes royales, servaient le roi, la reine, les princes et princesses du sang ; en dehors de cela tout service leur était défendu. Ces jeunes gens appartenaient tous à la haute noblesse du pays. Un soir, le petit Camille de Cavour fit son entrée dans la salle du trône tenant un plateau couvert de sorbets glacés et le présenta au roi, à la reine et aux princes du sang ; mais au moment où il se retirait, ayant encore de bonnes glaces sur son plateau, un très grand personnage s’approcha du jeune Camille et saisit au passage une glace sur le plateau qu’il tenait des deux mains. Cavour se