Page:Reinach - Orphéus, histoire générale des religions, 1921.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

situation est restée la même, bien que la science l’ait singulièrement précisée : les Évangiles, abstraction faite de l’autorité de l’Église, sont des documents inutilisables pour l’histoire de la vie réelle de Jésus ; ils peuvent et doivent seulement servir à nous apprendre ce que les Églises primitives ont cru de lui et l’origine de l’influence immense que ces opinions ont exercée sur le genre humain.

* * *

20. La comparaison de nos Evangiles et la distinction des couches successives qui les ont formés prouvent que même la légende de Jésus, telle que l’enseigne l’Église, n’est pas appuyée dans toutes ses parties par les textes qu’elle allègue. La naissance miraculeuse n’est pas dans Marc ; elle paraît volontairement ignorée de Jean, qui admet la doctrine philonienne de l’incarnation du Verbe « premier-né de Dieu, second Dieu, intermédiaire entre Dieu et les hommes » [1], en y ajoutant seulement — chose essentielle, d’ailleurs — l’identification du Verbe incarné au Messie. Dans Matthieu et dans Luc elle est racontée avec des détails contradictoires. Jésus lui-même n’en parle jamais et ses parents ne le comprennent pas lorsque, s’étant attardé dans le Temple, il l’appelle « la maison de mon père ». (Lc., 2, 50.) La meilleure preuve que l’idée de la naissance miraculeuse s’est introduite assez tard dans la tradition, c’est que Matthieu et Luc donnent deux généalogies, d’ailleurs inconciliables, qui rattachent

  1. Expressions de Philon.