Page:Reinach - Orphéus, histoire générale des religions, 1921.djvu/350

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais le fond de Matthieu peut être antérieur à notre Marc.

6° Le quatrième Evangile, dit de Jean, est l’œuvre d’un juif hellénisant, inspiré de Philon d’Alexandrie, C’est, dit-on, un théologien mystique, non un historien [1] Pourtant, à le lire sans parti pris, on s’assure qu’il prétend écrire une histoire vraie et réfuter implicitement celle des Synoptiques, qu’il con-naît et dont il ne fait point cas.

18. A ceux qu’inquiètent les différences des trois Synoptiques entre eux et de ces Évangiles avec celui de Jean, on répond d’ordinaire que les Evangiles « se complètent mutuellement ». Cela n’est pas vrai. Loin de se compléter, ils se contredisent, et, quand ils ne se contredisent pas, ils se répètent. Du moins le Christ de Marc est-il compatible avec celui de Matthieu et de Luc ; mais celui de Jean est tout autre. « S’il est une chose évidente entre toutes, mais où le plus puissant des intérêts théologiques fait que l’on s’aveugle inconsciemment ou volontairement, c’est l’incompatibilité profonde, irréductible, du quatrième Evangile avec les Synoptiques. Si Jésus a parlé et agi comme on le voit agir et parler dans les trois premiers Evangiles, il n’a pas parlé et agi comme on le voit agir et parler dans le quatrième. » [2] Il suffit, pour s’en convaincre, de savoir lire et d’être de bonne foi.

19. En somme, nos Évangiles nous apprennent ce que différentes communautés chrétiennes croyaient savoir de Jésus entre 70 et 100 après l’ère chrétienne ;

  1. Loisy, Autour d’un petit livre, p. 93.
  2. Loisy, Quelques lettres (1908), p. 130.