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8. Dans le récit de l’arrestation de Jésus donné par Marc (14, 51-52), il est question de la fuite des disciples et d’un jeune homme qui suivait Jésus, ayant le corps couvert seulement d’un drap : « Et quelques jeunes gens l’ayant pris, il leur laissa le drap et s’enfuit nu de leurs mains. » On a cru longtemps que ce jeune homme était Marc lui-même et l’on a comparé ce passage à une signature d’artiste cachée dans le coin d’un tableau. Cela donnerait au récit de Marc une autorité immense, telle qu’aucun texte évangélique n’en possède. Mais la source de cet épisode est une prophétie d’Amos (2, 16) : « Au jour de la colère du Seigneur, le plus courageux entre les plus braves s’enfuira tout nu. » Voilà donc un détail, en apparence caractéristique, parce qu’il semble insignifiant, qui a été inséré dans le récit pour marquer, d’une façon puérile, l’accomplissement d’une prophétie. La même préoccupation a motivé l’insertion de nombreux épisodes dans nos Évangiles (§ 40). Quelle confiance avoir en des textes qui ont subi de pareilles altérations ?

9. La conclusion de l’exégèse libérale, en cette délicate matière, a été formulée ainsi par M. l’abbé Loisy (190S) : « On fausse entièrement le caractère des plus anciens témoignages concernant l’origine des Évangiles, quand on les allègue comme certains, précis, traditionnels et historiques : ils sont, au contraire, hypothétiques, vagues, légendaires, tendancieux ; ils laissent voir que, dans le temps où l’on se préoccupa d’opposer les Évangiles de l’Église au débordement des hérésies gnostiques, on n’ avait sur leur provenance