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Aucun Évangile n’est l’œuvre d’un témoin oculaire ; il suffit de les lire pour s’en convaincre. A la vérité. quelques versets pourraient faire croire le contraire ; aussi est-il, nécessaire d’en parler ici. Jean, 19, 35 (un soldat a percé le flanc de Jésus d’un coup de lance) : « Et celui qui l’a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai, et lui sait qu’il dit la vérité, afin que vous aussi vous croyiez. » Cela signifie que le témoin invoqué est Jean, celui que le quatrième Évangile appelle « le disciple bien aimé » et qui, seul des Apôtres, aurait assisté à la Passion. Mais cette façon de s’exprimer ne convient évidemment pas à l’auteur du livre ; c’est un appel au témoignage d’autrui ; donc l’auteur de l’Évangile n’est pas un témoin. Le second passage se trouve à la fin du même Évangile, qui est d’ailleurs une addition ancienne au texte primitif. Jean, 21, 24 : « C’est le même disciple qui rend témoignage de ces choses et qui a écrit cela, et nous savons que son témoignage est véritable. Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites : si on les décrivait l’une après l’autre, je ne crois pas que le monde entier contînt les livres qu’on écrirait. » Ici, il est plus évident encore qu’un rédacteur atteste la véracité du disciple ; mais « si ce disciple avait été, au su de tous, l’auteur de l’Évangile, on n’aurait pas eu besoin de le dire. » [1] Ces deux textes prouvent donc le contraire de ce qu’on leur fait signifier ordinairement et créent, par surcroît, une présomption de fraude pieuse à la charge du rédacteur définitif.

  1. Loisy, Quatrième Évangile, p. 250.