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DÉFINITIONS DE LA RELIGION

dance. » « C’est, dit Feuerbach, un désir qui se manifeste par la prière, le sacrifice et la foi. » Kant voulait y voir « le sentiment de nos devoirs en tant que fondés sur des commandements divins ». — « La religion, dit Max Müller, est une faculté de l’esprit qui, indépendamment des sens et de la raison, met l’homme en état de saisir l’infini. » Plus modestement, le grand ethnographe anglais Tylor admet, comme définition minima du mot religion, « la croyance à des êtres spirituels ». Le premier peut-être, en 1887, Marie-Jean Guyau a introduit, dans la définition de la religion, un élément essentiel à toutes les religions, le caractère social : « La religion, dit-il, est un sociomorphisme universel… Le sentiment religieux est le sentiment de la dépendance par rapport à des volontés que l’homme primitif place dans l’univers. » De toutes les définitions que j’ai citées jusqu’à présent, celle-là est incontestablement la meilleure.

5. On peut pourtant lui en préférer une autre. Le mot de religion étant ce que l’a fait l’usage, il est nécessaire qu’une définition minima, comme dit Tylor, convienne à toutes les acceptions où on l’entend. Or, les Romains parlaient déjà de la religion du serment, religio juris jurandi ; nous en parlons à notre tour, ainsi que de la religion de la patrie, de la famille, de l’honneur.

Employé ainsi, le mot de religion ne comporte ni l’idée de l’infini, ni le désir dont parle Feuerbach, ni même une croyance arrêtée à des êtres spirituels. En revanche, il implique, sans contrainte matérielle, une limitation de la volonté individuelle, ou plutôt de l’activité humaine en tant qu’elle