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histoire de la révolution russe

étrangères par Stürmer ; Khvostov devenait ministre de l’Intérieur ; Makharov, ministre de la Justice. C’était un coup de barre non seulement vers la droite, mais en dehors du sillage des Alliés. La Nouvelle Presse Libre de Vienne écrivit sans détours : « Stürmer est un instrument dont on peut jouer. C’est un homme qui répond au désir secret de la droite, toujours hostile à une alliance anglaise. À la différence de Sazonov, il n’affirmera pas la nécessité de détruire le militarisme allemand. »

L’opinion européenne, mal informée des forces secrètes et de la « politique Raspoutine », attribua la chute de Sazonov à la question polonaise, qui préoccupait fort la diplomatie des Alliés. Il y avait là une part de vérité. Pour satisfaire aux désirs de l’Entente, Sazonov avait préparé, au début de juillet, un projet d’autonomie complète ; dans le préambule, d’accord avec le tsar, il disait que les réformes en Pologne devaient ouvrir la voie à une réforme constitutionnelle de tout l’Empire. Stürmer exploita certainement cette phrase, avec l’appui de l’impératrice, pour incriminer le loyalisme de Sazonov. Le nouveau ministre se garda de renier les promesses impériales relatives à la Pologne, mais il chercha à temporiser, sûr de plaire ainsi à l’extrême-droite et au parti de la Cour.

À la fin de juillet, les Russes achevaient par la prise d’Erzindjan, la conquête de l’Arménie, et l’offensive de Broussilov en Bukovine et en Galicie donnait de magnifiques résultats. On s’attendait, d’un jour à l’autre, à la reprise de Lemberg. Brusquement, l’élan des Russes parut faiblir, puis s’arrêta ; le bruit courut qu’ils commençaient à manquer de munitions, et cela était probablement exact. On ne cessait pourtant de fabriquer et