Page:Regnaud - Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-européenne.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il me suffira, pour achever de donner l’idée des lumières qu’on peut jeter en procédant ainsi sur la valeur originelle et le développement des conceptions védiques, de rappeler l’exemple du mot hotar, qui repose sur deux racines, identiques à l’origine pour le sens et la forme, signifiant : brûler, briller, manifester, faire entendre, et verser, répandre, etc. Le hotar, comme le rishi d’ailleurs, et probablement aussi comme le brahmane, a été tout à la fois d’abord le sacrificateur des victimes sur le feu de l’autel, l’agent des libations qui les accompagnent et le héraut des hommes auprès des dieux ; d’où un entrecroisement d’épithètes qui montre sur ce point particulier l’origine toute verbale des obscurités et des étrangetés de la phraséologie védique.

Je n’ignore pas tout ce qu’une semblable méthode est appelée à susciter d’hésitations, d’objections ou de protestations, même parmi les savants les plus autorisés en pareille matière[1]. Plus on se sent fort, plus on est en garde contre les idées d’autrui, n’eussent-elles pour tout défaut que d’émaner d’autrui. Nous sommes d’ailleurs tous plus portés à nous en tenir à nos habitudes d’esprit, même quand elles laissent à désirer, qu’à les changer, même quand les raisons de le faire sont dignes de considération. Puis n’oublions pas que, passé la cinquantaine, c’est-à-dire à l’âge où le savant est en pleine possession de ses moyens, peu d’hommes conservent la faculté de renouveler leurs idées. Toutes ces raisons sont-elles suffisantes pour que nous devions taire ce que nous croyons juste ? Je ne le pense pas. Sans l’initiative de Galilée (si parva licet componere magnis), on aurait pu croire longtemps encore que la terre était immobile au centre du système solaire ; sans celle de Newton, la loi de la gravitation universelle resterait peut-être à découvrir.


IV


Jusqu’ici je me suis surtout attaché à établir la valeur du Rig-Véda au point de vue de l’étude des origines de la mythologie indo-européenne, et à rechercher les meilleurs moyens de l’inter-

  1. Voir le précédent no de la Revue, p. 127, n. 5.