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thaler.

C’est, morgué,
pour cela qu’ils m’avont tant fait boire :
Mais ils n’en croqueront, ma foi, que d’une dent.
Je vais faire beau bruit. Serviteur cependant.


Scène IV.

DÉMOCRITE, seul.

Dieux ! Que fais-je ?
Où m’emporte une indigne tendresse ?
Suis-je donc Démocrite ? Et quelle est ma foiblesse !
Pendant que je suis seul, laissons agir mon cœur,
Et tirons le rideau qui cache mon ardeur.
Depuis assez longtemps, mon rire satirique
Sur les autres répand une bile cynique :
Je veux sans nuls témoins rire à présent de moi ;
Il ne faut point ailleurs aller chercher de quoi.
J’aime ! C’est bien à toi, philosophe rigide,
De sentir l’aiguillon d’une flamme perfide !
Et quel est cet objet qui t’apprend l’art d’aimer ?
Un enfant de quinze ans ! Tu prétends la charmer,
Adonis suranné ?… Mais un pouvoir suprême
Me commande, m’entraîne en dépit de moi-même.
Ah ! C’est où je t’attends, le plus lâche des cœurs !
Il te faut des chemins tout parsemés de fleurs.
Tu ne saurois saisir ces haines rigoureuses[1]
Que sentent pour l’amour les âmes généreuses
Tu ne peux gourmander un penchant trop fatal,

  1. Rigoureuses est conforme à l'édition originale et à celle de 1728. Dans les autres éditions, on lit, vigoureuses.