Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée

Un jaloux, disent-ils, qui sans cesse querelle,
Est plutôt le tyran que l’amant d’une belle :
Sans relâche agité de fureur et d’ennui,
Il ne met son plaisir que dans le mal d’autrui.
Insupportable à tous, odieux à lui-même,
Chacun à le tromper met son plaisir extrême,
Et voudroit qu’on permît d’étouffer un jaloux,
Comme un monstre échappé de l’enfer en courroux.
C’est dans le monde ainsi qu’on parle d’ordinaire :
Mais pour moi, je soutiens un parti tout contraire,
Et dis qu’un galant homme, et qui fait tant d’aimer,
Par de jaloux transports peut se voir animer,
Céder à ce penchant, et qu’il faut, dans la vie,
Assaisonner l’amour d’un peu de jalousie.

Albert

Certes, vous me charmez, monsieur, par votre esprit,
Je voudrois, pour beaucoup, que cela fût écrit,
Pour le montrer aux sots qui blâment ma manière.

Crispin

Entrons chez vous, monsieur : là, pour vous satisfaire,
Je vous l’écrirai tout, sans qu’il vous coûte rien.

Albert

l’arrêtant.
Je vous suis obligé ; je m’en souviendrai bien.
Vous n’avez pas, je crois, autre chose à me dire :
Voilà votre chemin. Adieu. Je me retire.
Que le ciel vous maintienne en ces bons sentiments ;
Et ne demeurez pas en ce lieu plus longtemps.