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Cinthio

Hé ! Ne la croyez pas. Je me serois fort bien contenté de la poularde ; je ne suis pas si grand mangeur : mais je sais qu’on la présente à tout venant ; on l’a déjà servie sur vingt tables différentes, et je ne suis pas homme à m’accommoder du reste de toute la terre.

Arlequin

Ah ! Parbleu, monsieur, prenez garde s’il vous plaît à ce que vous dites ; je ne m’entends point à ce tripotage-là, et l’on ne sert chez moi que des viandes neuves. Parlez, a-t-on jamais vu manger ici la même poularde deux fois ?

Isabelle

Bon ! Ne voyez-vous pas bien que monsieur ne sait ce qu’il dit ? Jamais personne n’y avoit touché ; c’étoit une volaille délicate que j’avois pris soin d’élever, et que je nourrissois à la brochette avec autant de plaisir que si c’eût été moi-même ; elle faisoit envie de manger à tous ceux qui la voyoient, et cependant je ne la gardois qu’à monsieur. Allez, cela est bien vilain de reconnoître si mal les soins que l’on prend pour vous.

Arlequin

C’est peut-être que vous n’aimez pas la viande bardée ; une autre fois on vous la fera larder.

Cinthio

Bardé, lardé, cela m’est indifférent : quand les choses sont bonnes, je les trouve telles ; je ne m’y laisse point attraper.