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Autrement dans son ensemble, ce musée frappe aussi par un caractère espagnol qui n’a jamais été remarqué : ces figures, ces hallebardes, drapeaux, panaches, feutres pittoresques, ces étoffes cossues et aristocratiques me rappellent les scènes représentées par Vélasquez.

Il y a autour de moi des figures épanouies d’une fraîcheur de carnation fine qui donnent désir de peindre. Toutes ces têtes qui vivent et palpitent autour de moi se détachent sur un fond sombre d’une clarté et d’une richesse inconnues en pays français.



Amsterdam. — Ronde de nuit — un peu de désillusion. Cependant, après inspection, le charme opère. La vie si intense de Hals lui porte tort ; pourtant, la supériorité du génie l’emporte ; par places, à droite du tableau, c’est superbe — les parties obscures ont noirci, sans nul doute ; peut-être la dimension du tableau dépasse-t-elle celle de la perfection dans la plastique — abstraction faite de la somme de vie sanguine que j’ai vue dans Hals, le tableau a un charme profond et étrange — tout ce qui est dans la demi-ombre est mieux que les personnages du premier plan. Quoi de plus compréhensible dans l’œuvre de ce maître ! Encore une fois, par places, il y a des têtes qui, regardées de loin, prennent une magie magnifique. De la magie, c’est le mot vrai — la qualité de la lumière est féerique et surnaturelle. Suppression faite des deux ou trois personnages qui sont en pleine évidence, le reste est magnifique.

Les Syndics, plus parfaits que La Ronde de Nuit, la Visée moins supérieure. C’est le plus beau Rembrandt que j’ai vu.



Nul maître n’a peint le drame comme Rembrandt. Partout, dans ses moindres esquisses, le cœur humain est en cause.

Rubens a le génie de la mise en scène.