Avouons-le, la vie de ces œuvres-là est une vie factice et fausse dont personne ne se soucie.
On a peu publié sur les arts du dessin ; les livres et les brochures si abondants sur toute autre matière, font sur ce point presque totalement défaut. La curiosité populaire, qu’un penchant de plus en plus prononcé mène à la lecture n’a, là-dessus, que de rares occasions de prendre cours. A part quelques traités d’esthétique pure, ou d’autres travaux donnant des aperçus d’ensemble sur les Écoles et sur le beau — travaux qui ne s’adressent qu’à des esprits déjà cultivés ou spéciaux — le public qui aime la lecture rapide, ne trouve ici que peu de choses à glaner, à la faveur des expositions annuelles seulement, dont l’organisation est toute récente en province ; il peut alors parcourir des yeux dans les feuilles quotidiennes, des analyses, ce qu’il a pu lui-même observer. Mais ces sortes d’écrits dont la base est dans l’actualité ne permettent point à ceux qui les publient de s’écarter d’une donnée particulière, dont la fin n’est pas l’instruction. D’ailleurs, le critique ainsi placé entre l’appréciateur et l’artiste est bien souvent porté pour celui-ci par des préférences et des idées personnelles, lesquelles ne peuvent être pour celui-là que d’une influence non décisive.
La seule force en laquelle se produisent des articles capables de donner un essor quelconque à la pensée est dans les revues, cette forme nouvelle du livre, où quelques esprits distingués traitent quelquefois des questions plus générales. Mais ces sortes de publications ne tombent pas sous les yeux de tout le monde, le spécialiste seulement s’en soucie ; tandis que l’amateur moins raffiné, pour qui l’art est un luxe et qui ne s’en occupe qu’à ses loisirs, ne peut en profiter que lorsque l’article de la revue recueilli et groupé, a pris la forme plus durable et plus déterminée du livre. Or, ces livres manquent. Peu de penseurs ont tourné leur pensée vers les arts ; et, ajoutons vite aussi que le publiciste militant, celui qui s’adresse journellement au public, ne s’en soucie pas davantage.