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de plus délicat et de plus tendre de la femme et des femmes se répercuta dans mon cœur par la maturité de mon esprit, comme si en elle se résumait ce que j’ai le plus aimé, ce qui me révèle le plus de lumière, ce qui me domina le plus et m’attira vers le beau.

La femme est notre annonciateur suprême.



Chaque homme devrait faire l’histoire de son cœur. Il se mirerait là, il regarderait l’empreinte laissée par ces testaments tendres, instantanés ou lents, toujours involontaires, qui nous ont conduits par des chemins obscurs vers d’autres lumières, toujours et constamment renouvelées, vers des clartés de l’esprit plus hautes et plus belles, où les derniers pas de la vie par élection céleste, répercutent l’écho des émotions de l’enfant.

Rien ne s’effacera de ces tendres émois, et je les glorifie et les considère aujourd’hui comme l’histoire éprouvée d’une émancipation quasi religieuse et bénie.



Il se peut donc qu’en une approche — par le hasard ou l’inconnu produite, — on ne sait, spontanément, vivement, prise inconsciente, on soit lié. Imperceptiblement à première heure, sans le savoir déjà, mais déjà conquis, mené, obéissant, dans la subtile joie à se soumettre.

Le premier jour marque la préférence, le lendemain, au réveil, rien qu’à un regard échangé, une présence à nouveau ressentie, un son de voix qui donne à toutes les cordes de la sensibilité une résonnance nouvelle, tout sera dit, clairement révélé. Et le besoin de se faire connaître, de se tout dire, de s’épancher en elle, de raconter sa vie, les événements essentiels de sa vie, de se livrer, de s’abandonner, de lui tout apprendre de ce qu’elle ignore, comme après une séparation de longue date, où il importe