Le petit jardin attenant, où l’on accède en descendant de l’atelier même, lui servait sans doute de lieu de repos. « Reposez-vous souvent », conseillait-il. Tout fait croire qu’il allait alors là reprendre force et ardeur, en plein air, près des fleurs, à l’ombre des frais arbustes qui grandissent et s’épanouissent encore dans cet enclos. Nul bruit du dehors n’y pénètre ; on se croirait loin de Paris. Des lettres du solitaire, écrites à un ami éloigné, constatent qu’il se plaisait beaucoup dans le silence de ces lieux calmes, où ont été médités et accomplis ses derniers travaux.
C’est là que la mort arrêta sa main généreuse. Elle frappa vite. La courte maladie qui l’emporta le prit en pleine maturité de pensée, à l’heure où il constatait lui-même l’ardeur de ses forces et la sève de son esprit. Il fut frappé d’épuisement comme le fut Raphaël, quand les dernières ébauches laissées sur le chevalet débordaient des ardeurs de cette âme qui s’épancha durant quarante ans, sans défaillance et sans arrêt.
Le romantisme est à prendre et à garder tel qu’il est. Chez Delacroix, il est le triomphe du mouvement et de la passion sur les formes. Où donc ai-je lu que Victor Hugo le visitant une fois, quand l’ébauche du Massacre de l’Évêque de Liège était sur le chevalet, le poète ne voyant pas très bien l’arme du meurtrier demanda au peintre ce qu’il avait voulu faire. Delacroix répondit : « J’ai voulu peindre l’éclair d’une épée ». L’à-propos sur les lèvres de ces deux êtres est bien suggestif…
Ce maître libre, ardent, artiste par-dessus tout et de qui je tiens le premier éveil et la durée de ma propre flamme, il n’a pas encore ce me semble la place véritable que le temps lui doit. Pour avoir fait parler passionnément les couleurs du prisme, pour les avoir, le premier, touchées d’un génie altier qui les dota du pouvoir d’exprimer la vie morale, il a subi dans le temps qui le suivit je ne dis pas une éclipse mais un arrêt, un délai mis à sa domination. Le naturalisme embroussaille sa route. Les bons ou appréciables peintres qui l’ont suivi, que l’on désigne, on ne sait pourquoi, du