forts pour aller, sans vertige, à la lueur des grandes gloires que les fervents entourent, et pour lesquelles la postérité réserve encore, en immortel hommage, le don de ses plus beaux lauriers ! Que leurs disciples soient les bienvenus ! Si M. Bresdin a quelque parenté avec ces maîtres, il faut remarquer que c’est beaucoup plus dans les moyens que dans la pensée ; car sa personnalité est sortie assez victorieuse et assez viable d’un contact qui aurait écrasé un disciple moins bien doué. Il a certes pour lui une manière de voir que nul maître ne lui a apprise.
Ce qui le caractérise en effet, ce que nul chez les anciens comme chez les modernes n’a pu lui donner, c’est cette inaltérable individualité, c’est cette couleur si singulière qui répand sur tout son œuvre ces effets étranges, mystérieux, légendaires ; c’est cette manière si libre de frayer avec la nature et qui reflète, jusque dans les moindres essais sortis de sa main, une inexprimable tristesse. Car si l’artiste est inhabile à reproduire directement la nature, si le dernier élève d’une académie serait plus apte à représenter avec minutie les objets qui tombent sous les yeux, ces objets le frapperont pourtant et parfois par leur côté le plus expressif et le plus vivant.
Nous avons certainement vu ces nuages bizarres, ces ciels brouillés si profonds et si tristes. On sait quel parti il a su tirer de ces fouillis pleins de choses étranges où le regard aime à poursuivre mille et mille apparitions. L’eau n’est pas moins pour lui l’objet d’une admiration particulière en ce qu’elle a de tendre ou de mystérieux. On le voit, c’est un paysagiste ; il est donc moderne. C’est toujours sous le ciel qu’il place ses scènes préférées ; témoin la Famille tartare en voyage, cette page si fortement imprégnée de sentiment et d’impression.
C’est encore par un côté particulier à l’école française que l’artiste est appuyé d’un penseur. Cette imagination, pourtant si impétueuse et si jeune, semble contenue et comme dominée par un désir constant où se trahit, sans qu’il le raisonne sans doute,