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les kolariens du bengale.

peu de chose, et le temps coule avec une lenteur paresseuse. Ici, le ménage individuel ne s’est pas encore retranché derrière les murs de la vie privée ; la communauté mâle n’a point fait l’entier abandon de ses droits régaliens sur la personne de chaque femme et sur sa progéniture. Le fond de l’institution matrimoniale est encore polyandrique, résultat de la rareté des épouses, motivée elle-même par la rareté des subsistances.

Quand les liens du mariage individuel sont tellement relâchés, il ne faut pas demander compte sévère des pratiques imaginées par les bons paysans pour la prospérité des champs, l’heureux croît de la céréale et l’engrangement d’une moisson opulente. On nous vante Cérès la législatrice, Déméter qui a moralisé notre espèce ; nous le voulons bien, ce qui n’empêche que les « Mystères de la Bonne Déesse » ont partout, même dans le Nouveau Monde[1], commencé par être des orgies difficiles à décrire. Nos Khonds n’en font pas autant que les Thotigars de l’Inde méridionale, lesquels exigent que leurs femmes se donnent à tout venant, afin que la terre, prenant bon exemple, fasse germer les graines déposées dans son sein. À l’époque des semailles ont lieu des festivités qui rappellent celles de la Mylitta babylonienne, celles où les filles d’Israël honoraient Astarté en se prostituant sur les aires à dépiquer le froment[2]. Ces Thotigars élèvent aux bords des routes, ici une tente, là une paillote qu’ils jonchent de fougère, et qu’ils garnissent de rafraîchissements. Sous ces abris les époux installent leurs moitiés, vont eux-même racoler les passants, et, s’il le faut, les engagent

  1. Par exemple, la Fête de la Récolte chez les Muyscas, etc.
  2. Osée, ix, 1.