Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/327

Cette page n’a pas encore été corrigée
307
hospitalité.

les objets inanimés, même les haches, riz et farines. Quels arriérés !

Aucun peuple ne pousse plus loin la religion de l’hospitalité. De ce chef ils en remontrent aux Bédouins, aux Arabes du désert. Pas d’honneur qu’ils ne rendent à l’hôte, pas de complaisance qu’ils ne lui témoignent, mettant sa vie avant leur vie, son honneur avant leur honneur. « L’hôte, avant l’ami, même avant l’enfant ! » dit un de leurs proverbes. Dès que se montre un étranger, quelque misérable soit-il, les chefs de famille viennent le saluer, lui offrent gîte et repas ; il séjournera tant qu’il lui plaira : jamais invité n’a été renvoyé, jamais on ne lui a fait sentir que sa présence devenait gênante. Ils étendent l’hospitalité jusqu’aux Dombangous, basses castes et populations déchues qui les entourent ; ils les traitent avec bonté, les font asseoir à leurs festins, les défendent envers et contre tous, les protègent comme s’ils appartenaient à leur communauté.

On les a vus étendre leur hospitalité jusqu’à des tribus entières. En certaine fête, il arriva qu’on se prit de querelle, et qu’après rixe sanglante un clan fut écharpé, mis en déroute. Poursuivis, la lance au poing, chassés de leurs hameaux, sans asile, délogés de leur héritage, les fugitifs allèrent frapper aux portes qui avaient été les leurs, et s’adressant à ceux qui les avaient mis à mal :

— « Nous sommes dépourvus de tout. Veuillez nous donner l’hospitalité.

— Entrez et soyez les bienvenus ! »

Et tous maintenant de cohabiter sous le même toit, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois ; les vaincus nourris, abreuvés, vêtus, servis par les vainqueurs. Cela dura toute une année. À la fin, les hébergeurs, n’y pouvant plus suffire, entrèrent en pourparlers :