Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée
11
l’époque glaciaire continuée

pardonner à l’Esquimau le crime de manger cru son poisson. D’où les noms abénaqui d’Eski mantik[1], et adjibeouai d’Ayeskiméou, qui, appliqués d’abord aux Labradoriens, ont été peu à peu étendus à l’ensemble des tribus hyperboréennes. Il nous paraît plus logique d’attribuer à cette inimitié, qui par moments prend des dehors religieux, à une cause toujours actuelle, toujours efficace ; celle de la concurrence vitale : les uns et les autres se disputent la proie qu’ils mangent crue ou vivante. L’Indien n’est pas exclusivement chasseur, il ne se prive pas de harponner le saumon. De leur côté, les Inoïts savent courir l’ours, le cerf, le coq de bruyère. Dans l’Alaska, ils se distinguent en « gens de terre » et « en gens de bateaux », selon le genre de vie auquel ils s’adonnent de préférence.

Fermés au reste du monde par leur barrière de frimas, les Esquimaux sont, plus que tout autre peuple, restés en dehors des influences étrangères, en dehors de notre civilisation qui brise et transforme ce qu’elle touche. La science préhistorique a vite compris qu’ils lui offraient un type intermédiaire entre l’homme actuel et l’homme des temps disparus. Quand on entra chez eux pour la première fois, ils étaient en plein âge d’os et de pierre[2], tout comme les Guanches quand on les découvrit ; leur fer et leur acier sont d’importation très récente et presque contemporaine. Les Européens de la période glaciaire ne sauraient avoir mené une vie très différente de celle que

  1. Charlevoix, le premier, indiqua cette dérivation dans son Histoire de la Nouvelle-France. Autres noms : Hoshys, Suskimos.
  2. Nordenskiold, Voyage of the Vega.