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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

Une crise, une des plus douloureuses qui ait jamais affligé l’Angleterre, sévit aujourd’hui dans les districts manufacturiers sur lesquels règne la disette, ou, comme le peuple l’a appelée, la Famine du coton. Toutes les petites bourses sont fermées à triple tour, toutes les dépenses sont réduites au plus strict nécessaire. Au 13 août dernier, plus de 160 000 ouvriers et leurs familles ne subsistaient plus que par les secours de la charité, et l’on a calculé qu’à dater de ce jour, l’armée de la misère se grossissait de jour en jour de 3 à 4 000 malheureux, qui devaient quitter leur atelier désert ou leur foyer désolé pour errer sur la voie publique. La honte dans les yeux, la douleur au cœur, les uns après les autres, ils vont tendre la main à la porte du workhouse abhorré ; ils implorent de quoi subsister, eux et leur pauvre famille ! — Partout où la Coopération a été à l’œuvre, la misère a été sensiblement tenue en échec, et, pris en masse, les Coopérateurs ont pu jusqu’à maintenant se préserver du paupérisme, cette pestilence affreuse. Et si l’Association a pu être si bienfaisante dans les mauvais jours, que ne pourrait-elle pas accomplir dans les temps de prospérité publique !


IV

L’ASSOCIATION APPLIQUÉE À LA PRODUCTION


Il n’est qu’une voix en Angleterre pour constater l’éclatant succès des Cooperative Stores. Commerçants, aristocrates et financiers ont été également surpris. Richard Cobden a consacré au mouvement quelques-uns de ses éloquents discours. John Bright, le maire de Rochdale, a raconté histoire des Pionniers à la Chambre des Communes. Brougham s’est fait le parrain des Stores auprès de quelques cercles scientifiques, en particulier auprès de la Société pour l’avancement des sciences sociales. Des Lords, des Lords eux-mêmes, ont daigné en parler favorablement, par exemple Lord Teynham. Ce dernier est celui qui a défendu la cause du suffrage universel à la tribune de la Chambre Haute ; c’est aussi celui qui a osé prêcher ses croyances religieuses du haut d’une chaire de Baptistes, a vulgar people. Tant de vertu semblera peut-être excentrique, et l’on trouvera plus décisive l’approbation donnée par Lord Stanley[1], fils du comte Derby, la fleur des pois de l’aristocratie

  1. Le même qu’on a dernièrement proposé au peuple grec de prendre pour roi, à défaut du prince Alfred.