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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

   Si, comme on l’a généralement cru, les bénéfices réalisés à cette époque par les filateurs de coton, équivalaient aux gages qu’ils payaient en main-d’œuvre, cette grève leur aurait coûté en pertes de bénéfices une dizaine de millions ; nous n’en portons que les trois-quarts 
7 500 000 fr.
   La détérioration de matériel a été évaluée à 
1 200 000 fr.
   La dépréciation de clientèle, à 
1 250 000 fr.
   La perte d’intérêt à 6 % sur le capital engagé, à 
7 267 500 fr.
   N’ayant pu en connaître le montant, nous portons ici les subventions des fabricants coalisés, pour mémoire
   En outre, les marchands et aubergistes accusent une perte de 
281 000 fr.
   Et les compagnies de chemins de fer, les camionneurs, les industries diverses 
250 000 fr.

                                 Total 
   17 748 500 fr.


Nous croyons donc être assez près de la vérité en concluant que la grève de Preston a coûté à la chose publique une trentaine de millions, somme assez ronde. Nous n’appuyons pas sur le côté moral de cet immense désastre, que lord Palmerston trouvait tout à fait étranger à la question. Les souffrances de tant de milliers de créatures humaines ne sont pas affaire de statistique, nous le reconnaissons à regret. Mais qu’il nous soit permis de constater que cette expérience a coûté trop cher à l’Angleterre, et qu’il eût peut-être mieux valu faire donner par des maîtres d’école quelques rudiments d’économie politique aux enfants du peuple. Encore si cette leçon donnée à Preston était la seule ! Mais il y en a tant d’autres ; et il en faudra, peut-être, tant d’autres encore !

Pour nous rendre compte du prix de revient de quelques-unes des plus récentes grèves, nous empruntons à M. Watts les données principales du tableau qui va suivre. S’il est vrai que dans les manufactures anglaises à outillage perfectionné, le capital mis dehors, par tête d’ouvrier, s’élève à dix fois le montant du salaire annuel, une paye de 975 francs suppose un capital engagé de 9 750. Nous évaluons à 22 % le rendement total de ce capital, soit 6 % d’intérêt, et 16 % de bénéfice brut, applicable à l’amortissement, aux frais généraux, etc. Disons-le expressément, les chiffres que nous transcrivons ici ne peuvent avoir aucune prétention à l’exactitude mathématique, vu qu’ils se rapportent à différentes industries dont le capital d’installation varie singulièrement. Tels quels, les chiffres ci-après ont été recueillis très-péniblement ; les appréciations contradictoires pouvant varier de 1 à 3.