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journal de la commune

« Décrète :

« Article premier. — MM. Thiers, Favre, Picard, Dufaure, Simon et Pothuau sont mis en accusation.

« Art. 2. — Leurs biens seront saisis et mis sous séquestre, jusqu’à ce qu’ils aient comparu devant la justice du peuple.

« Les délégués de la justice et de la sûreté générale sont chargés de l’exécution du présent décret.

« La Commune de Paris. »

Nous entrons, cela se pressent, dans la voie des actions et des réactions terribles. Avant de nous laisser gagner par la colère, avant d’être emportés nous aussi par le tourbillon des événements, avant qu’égarés par le vertige universel, nous ne sachions plus distinguer le bon sens et le bon droit, arrêtons-nous à ce premier pas et demandons-nous : Ce décret est-il juste ?

Je crois que oui. À moins que le sang affluant dans mon cerveau ne m’ait déjà troublé la vision et le jugement, je dis que MM. Thiers, Favre, Picard, Dufaure, Simon et Pothuau sont des criminels pour avoir déchaîné sur la France les horreurs de la guerre civile. Ils sont criminels de n’avoir pas écouté la réponse que le suffrage universel a fait à leur tentative de coup d’État, criminels de n’avoir pas épuisé les moyens de conciliation avant de recourir aux canons aveugles, à la baïonnette féroce ; ils sont criminels de n’avoir pas même voulu entendre une seule parole de paix. Leur crime s’aggrave : représentants nommés par la ville de Paris, ce sont eux qui menacent Paris de leur couteau sanglant. Il y a du parricide dans leur fait.

Maintenant, est-ce à la Commune, leur ennemie, de les décréter d’accusation ? En cas de victoire de la Commune, serait-ce à la Commune de les juger ? Non, c’est au suffrage universel, consulté à nouveau, qu’il appartiendrait de prononcer le jugement. C’est au suffrage universel de la France entière qu’il appartiendrait de vider au plus vite le différend entre la vieille Assemblée et la jeune Commune. Mais, hélas ! qui peut le convoquer, ce suffrage universel,