Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
journal de la commune

Mais si la Prusse prenait fait et cause dans nos dissensions civiles, si M. Jules Favre allait larmoyer de nouveau sur les bottes de M. de Bismarck et en recevait un meilleur accueil, si la haine contre les agissements, dangereux déjà, de la révolution parisienne, de l’esprit démocratique, social et cosmopolite, venait à soulever le cœur de l’héritier des Hohenstaufen, malgré les conseils de la prudence et de la diplomatie, que pourrait faire Paris, épuisé déjà par la guerre et par le long siège ?

Paris ne pourrait certainement pas vaincre alors, mais il pourrait glorieusement périr. Alors sa cause serait définitivement entendue et jugée par le tribunal de l’humanité. Les morts sont suivies de gestations nouvelles. — Ce qui fut Paris renaîtrait comme révolution sociale et démocratie triomphante, et ce qui fut la France renaîtrait comme organe vital de la future République Universelle.

Donc, allons toujours de l’avant. Luttons encore contre vents contraires et flots courroucés. Encore une fois nageons et si possible surnageons. Mesurons la force de notre cœur à celle de la destinée adverse, et sachons qui aura le dernier mot, de notre force ou de notre endurance !


Paris, 3 Avril 1871

Hier, c’était fête au calendrier — le Dimanche des Rameaux — fête de la nature renaissante, joie de la verdure et du renouveau.

Dévots et dévotes allaient à l’Eglise ou en revenaient ; dans les rues et sur les places, les citoyens discutaient les affaires publiques. Les femmes, avec des rubans frais au corsage, se questionnaient aux stations d’omnibus : « Irons-nous voir les dévastations de Meudon ou de Ville-d’Avray ? Si nous allions voir plutôt ce qui reste de la ville de Saint-Cloud, canonnée et bombardée ? Ce qui reste du Château, éventré, saccagé, brûlé ? »

Au milieu de ces conversations, on entendit quelque bruit de canon. D’abord on n’y fit pas grande attention. Pendant le siège, les oreilles s’y étaient habituées. Mais les détonations se succèdent. C’est peut-être quelque réjouissance bruyante… Sans doute quelque localité suburbaine, proclamant, elle aussi, l’avènement de sa Commune. Mais