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journal de la commune

inspirer des inquiétudes à l’Empire germanique et féodal, soit définitivement écrasé.

Le général Fabrice, avec un dédaigneux sourire, a donc fait savoir au Comité central, détenteur de Paris et de plusieurs forts, qu’il entendait bien ne pas se mettre entre les coups de fusil que nous pourrions nous tirer et qu’il resterait parfaitement neutre, pourvu que les stipulations du traité provisoire de paix soient respectées. Il va sans dire que cette déclaration a mis en colère MM. Thiers et Favre et Simon, pour lesquels le Comité central et la Garde nationale ne sont point des belligérants, mais un ramassis ignoble et dégoûtant de vermine humaine qu’il faut extirper par le fer et par le feu.

La question se posant ainsi entre Versailles et Paris, Où allons-nous ? où allons-nous ?

Nuit noire, sillonnée de foudre et d’éclairs. Plus de mâts, plus de gouvernail. L’orage siffle et hurle, l’ouragan mugit. Devant nous, contre des écueils vaguement blanchissants, mer furieuse dont on entend les lugubres grondements.


Paris, 25 mars 1871.

Quoi qu’il en soit, il faut voter. Quoi qu’il en advienne, il faut se ranger derrière le Comité central. Le suffrage universel de Paris est scindé en trois : députation et municipalité contre la garde nationale populaire ; il faut nous mettre du côté de la troisième. Sans doute la légalité est plutôt du côté des maires et de la députation, mais les maires et la députation se rattachent étroitement au Gouvernement de M. Thiers que la légalité ne gêne guère, il fait et défait les lois à sa fantaisie, car il se met au-dessus des lois et prépare des coups d’État dans l’ombre. Et que veut dire ce mot de légalité en temps de révolution ? Tout ce qui se fait aujourd’hui sera illégal demain, et s’il fallait en revenir à la stricte légalité, il faudrait réinstaller Napoléon III aux Tuileries, à moins qu’on ne préférât y réinstaller un prince d’Orléans, ou bien un roi de la maison de Bourbon, ou même la Constitution de 92. Soit, renouons la chaîne des temps à l’an I de la République Française… Ici, la légalité est contraire à la loi, c’est la lettre qui tue.