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journal de la commune

opinion, il faut qu’ils soient plus généreux qu’on n’est d’ordinaire, plus humains que les hommes n’ont l’habitude d’être pour risquer sa vie ou, ce qui serait plus, son influence, sa position honorifique, ses chances de promotion administrative, en faveur d’un adversaire politique. Et la plus cruelle inquiétude du proscrit n’est pas celle du danger qu’il court pour lui et les siens, mais celle du danger qu’il fait encourir aux dévoués.

M. Thiers avait promis à la délégation de Lyon ou de Grenoble que, sitôt l’entrée à Paris des troupes, il laisserait une porte grande ouverte afin de permettre aux plus compromis, sauf aux assassins de Lecomte et de Thomas, de s’exiler ou ils pourraient. Pour être juste, il n’y a eu que de pauvres niais pour croire à cette promesse de M. Thiers. Les portes ont été rigoureusement fermées pour la sortie et même pour l’entrée. C’est d’hier seulement qu’on a permis le départ de quelques lettres. Cependant M. Thiers a mieux menti qu’on ne croyait. Il a laissé une porte de Paris ouverte, la porte prussienne. Mais le cas avait été prévu dans le traité signé Jules Favre. Des centaines de gardes nationaux se sont réfugiés chez les Prussiens : les pauvres gens croyaient réellement que, suivant l’engagement qu’il en avait pris, l’étranger n’interviendrait pas dans nos discordes civiles. Les Prussiens, me dit-on, leur ont baissé le pont-levis, entrait qui voulait. Quand tous on eu passé, on les a désarmés méthodiquement, ils ont été solidement attaché les mains derrière le dos, puis, tête sur queue, en route pour Versailles ! Quelques malheureux, épouvantés et, à juste titre, ont alors voulu protester. « Mais nous sommes Alsaciens, nous sommes Lorrains, nous ne sommes plus Français nous sommes Allemands ».

« Ah ! vous êtes Alsaciens, vous êtes Lorrains ? Vous n’êtes plus Français mais Allemands ! sortez des rangs ». Alsaciens et Lorrains sortent des rangs.

« C’est bien. Qu’on les conduise au quartier bavarois, et que séance tenante, on nous fusille cette canaille. Le reste à Versailles. »

Telle est aujourd’hui notre position civile, à nous autres idéalistes, qui nous disions très positifs et pas autoritaires du tout, nous qui, il y a quelques jours à peine, poussions le cri de vive la République Universelle et qui