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journal de la commune

L’âge légal pour faire partie de la garde nationale est de 20 à 40 ans ; mais la plupart des bataillons de marche ont constaté que l’élite de la troupe se composait des volontaires au dessus et au dessous de cet âge. — Fréquemment on voyait dans les compagnies un homme marchant entre son père et son fils. Les plus ardents, les plus endurants ne manquaient presque jamais d’être le grand père et le petit fils. Cela nous est d’un bon augure pour la Révolution qui suivra. Car on y pense déjà.

28 mai au soir.

Cerné, attaqué de tous les côtés, le cimetière du Père Lachaise a été envahi par les troupes rurales. Les derniers défenseurs de la Commune ont été massacrés.

Probablement, une période historique vient de clore. Une nouvelle commence. C’en est fini pour notre génération, destinée sans doute à être la spectatrice impuissante, la victime lamentable d’une réaction niaise et furieuse.

Pauvre France, si tu es réellement condamnée à mort, tu n’as jamais été plus en danger ! Après Sedan, que tu es bas tombée par la capitulation Favre-Trochu ! — Et maintenant où vas-tu tomber ? les meilleurs de tes fils, les plus braves, les plus intelligents, l’espoir de leur race, ne sont plus. — Les oisifs et les exploiteurs coalisés ont tué les travailleurs, quelle va être la ruine ! Après la corruption bonapartiste, est venue la lâcheté vis-à-vis des Prussiens, après la lâcheté, viennent les terribles cruautés contre les révolutionnaires — que s’en suivra-t-il ? Oh ! qu’elles sont lugubres les visions qui se déroulent à nos yeux !

Mais advienne que voudra ! Nous ne cédons pas. Nous sommes mortels, mais notre cause est immortelle. Si nous ne triomphons pas, nos fils remporteront la victoire, et si nos fils échouent encore, nos petits fils réussiront. La civilisation périra plutôt que notre idéal social. Le vieux monde est établi sur les privilèges de l’oisiveté, le monde nouveau s’établit et s’établira sur les droits du travail. Jadis le travail était esclave, il devint serf, il est toujours exploité, il sera libre et attrayant, n’en déplaise aux bombardeurs et égorgeurs !

Et quand même la France périrait, sa gloire serait