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journal de la commune

nablement, la République étant sauve, la garde nationale étant respectée.

En attendant le Traité est là, dûment signé, paraphé, ratifié par l’Assemblée. Elle n’a été élue que pour faire la paix ; maintenant que la paix est conclue définitivement, que l’Assemblée s’en aille définitivement ! Comme tout alors pourrait s’arranger à l’amiable ! Mais l’Assemblée ne s’en ira pas, car elle a fait ce traité là précisément pour ne pas s’en aller.

Oublions-nous nous-mêmes, oublions nos vies et nos destinées pour jeter un dernier regard sur ce traité, qui est assurément une des pierres milliaires de l’Histoire. Il laisse la France abattue devant l’Allemagne, l’ancien équilibre de l’Europe détruit, désormais les États graviteront dans de nouveaux orbites. Non seulement la France est vaincue, mais elle est mise désormais dans un état d’infériorité que M. de Bismarck peut croire accablante. Il ne faut pas l’oublier, quand Paris ne sera plus occupé par les Allemands, il sera toujours par eux menacé ; les canons de ce qui fut notre Metz sont chargés jusqu’à la gueule ; encore une invention de balistique, et, de Metz, les obus de Metz pourront écraser notre Panthéon. Entre Paris et Berlin, il y a désormais des forteresses, un fleuve, des montagnes ; entre Berlin et Paris il n’y a plus qu’une plaine découverte.

Est-ce à dire que la France, en tant que nation, reconnaisse la supériorité de l’Allemagne ? est-ce à dire qu’elle ait renoncé à l’espoir de jamais prendre sa revanche ? — Non certes ; jamais les Allemands n’ont été autant méprisés que depuis leur triomphe. Ils nous ont écrasés, mais ils nous ont exploités, et malgré l’énormité de leurs victoires, ils ont trouvé le moyen de rester pleutres et mesquins. De l’aveu même de M. de Bismarck, ils ne nous ont lâché qu’une trentaine de millions sur les incommensurables sommes qu’ils nous ont extorquées. Ils ont fait la guerre pour la patrie, pour la gloire, mais aussi pour le butin. Ce qu’on prend en butin, on le perd en gloire, car on ne peut tout avoir. Donc la France s’est humiliée, devant son ennemi, mais son ennemi, elle ne le respecte pas. Elle ne l’estime pas, elle le haïssait avant l’éruption de la guerre civile, elle le haïra sans aucun doute immédiatement après. Pourvu que ces Français, toujours légers, frivoles, outrecuidants