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journal de la commune

étalèrent à ce propos toute leur science. On pense que cette question des frontières eût dû avoir été au préalable étudiée à fond par les plénipotentiaires français à Francfort, qu’on eût dû leur adjoindre de bons officiers d’État-major… Pas du tout, M. Thiers jugea que les roueries de M. Pouyer Quertier, un manufacturier normand de Normandie, et les avocasseries larmoyantes de M. Favre feraient contrepoids suffisant à M. de Bismarck et d’Arnim, siégeant à Francfort, au milieu d’un cénacle d’officiers, d’industriels et de banquiers.

« La Commune, remarquait M. Henry Maret, vient, dit-on, de découvrir un faussaire dans son sein et l’a envoyé en prison. Au même moment le Gouvernement de Versailles envoyait le sien à Francfort, non comme exilé, mais comme son propre représentant. Chacun place son faussaire comme il l’entend ».

Au dire de M. Thiers, la forteresse du Luxembourg n’a qu’une importance politique. Elle est même énorme, eût-il pu ajouter. M. Thiers préfère Belfort : il veut y construire force bastions, enceintes et redoutes. Au bout de dix années, ce sera une place de premier ordre, dans laquelle le général Ducrot, qui devait revenir mort ou victorieux de la bataille contre les Prussiens, blottira une puissante armée pour s’élancer sur l’Allemagne, car offensive il doit y avoir, c’est l’opinion de ce puissant homme de guerre. Mais de Belfort à Paris, il y a 500 kilomètres, et de Metz à Paris, par le Luxembourg, il n’y en a que 200, moins d’une douzaine d’étapes par le chemin des vastes plaines de la Champagne.

M. Thiers n’a pas tout dit. M. Thiers aime à embastiller les villes, il se fera un grand plaisir de construire redants, redoutes et demi-lunes du côté de Belfort, mais le roué n’a pas tout dit. M. Thiers est protectionniste, et, de plus, grand propriétaire des mines d’Anzin et des Fonderies du Val Dosne. Il a troqué une population moins nombreuse pour une population plus nombreuse, mais en même temps il débarrasse la France de riches gisements de houille, de minerais de fer, de hauts fourneaux, et d’usines métallurgiques en pleine activité. Ce sera autant de gagné pour l’Allemagne, et autant de gagné pour le protectionnisme Thiers, Pouyer-Quertier.