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journal de la commune

qui jaillit dans les airs, nouveau Vésuve, éclatant en flammes et écrasant deux millions d’hommes sous une grêle de ferrailles et de pierres de taille, tandis que les fumées de poudre nous enivrent et que les vapeurs de soufre nous empoisonnent, il semblerait que Versailles ait juré de nous pousser à bout, et de faire périr Monseigneur Darboy et les quatre à cinq cents répondants entassés dans les prisons de la Commune.

Jeudi 18 mai.

Ce n’était point de la parade… ce n’était point une démonstration vaine que la Fédération des Francs-Maçons et corporations ouvrières s’engageant à prendre les armes pour la défense de Paris. Dans les bataillons qui marchent au combat, sur les cercueils qui en reviennent, les insignes du Grand-Orient et du Compagnonnage ne manquent certes pas. Ce matin je lisais une annonce :

« Enterrement civil

« Les francs-maçons et compagnons fédérés sont invités à l’enterrement civil du citoyen Faretête Charles, compagnon Passant, charpentier, mort en combattant. »

Je ne sais si c’est le cortège du compagnon Passant que, pendant un quart d’heure, j’ai regardé défiler le long de la rue Richelieu, mais ce n’était point un enterrement ordinaire. Ce n’était point l’indifférence sous un léger masque de convenance qui présidait à cette cérémonie funèbre. L’attitude était solennelle et triste, l’impression grandiose et émouvante ; chacun pensait : demain, dans huit jours, dans quinze jours peut-être, ce sera mon tour ou celui d’un autre frère… En avant, les sourds et lourds roulements des tambours voilés de crêpe suivaient les gardes nationaux armés, puis le char mortuaire noir avec quatre flamboyants drapeaux rouges, divers insignes du travail sur le cercueil, marteau, truelle, les insignes du combat, sabre et baïonnette, une couronne d’immortelles, les tristes fleurs de la mort. Tous les symboles que nous n’avions aperçus jusque-là que dans la nuit du Temple, aux lumières de l’atelier, paraissaient au grand jour. Loge