Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.
312
journal de la commune

population de Paris, assiégée depuis plus de 40 jours, le Gouvernement de Versailles cherche à introduire parmi elle des agents secrets et des traîtres, arrête :

« Tout citoyen devra être muni d’une carte d’identité contenant ses noms, prénoms, domicile, profession, etc. Tout individu non porteur de sa carte sera provisoirement arrêté. L’exhibition de la carte d’identité pourra être requise par tout garde national ».

L’arrêté excite une vive émotion, en premier lieu à cause de la mesure qu’il ordonne, en second lieu, à cause du motif indiqué.

L’obligation faite à chaque citoyen d’être toujours muni de papiers constatant son identité soulève de vifs murmures parmi nos libéraux et pseudo-libéraux, qui crient bruyamment à la terreur et à la tyrannie, et même aussi parmi des républicains très sincères. Quant à nous, le décret ne nous semble nullement exorbitant, vu la gravité des circonstances. Paris est affligé par une armée de cent cinquante mille hommes, qui, chaque jour et chaque nuit, l’attaquent ou la peuvent attaquer par dix points différents, les cent cinquante mille Versaillais du dedans, car, malgré sa supériorité écrasante dans l’enceinte de nos murs, la Commune est cependant menacée par une grosse armée installée dans la place, telle est la situation. Et dans ces terribles conjectures, on ne prendrait pas des précautions sérieuses, si possible ! Le fait est que rien ne prouve mieux la douceur du régime auquel nous a astreints la Commune, c’est que depuis quarante jours de siège, aucune mesure de ce genre n’avait été prise. Toute femme entre dans Paris et en sort sans difficulté, tous les garçons, tous les hommes au-delà de 40 ans, tous ceux qui sont employés dans quelque service public, tous ceux qui travaillent ou prétendent travailler dans le commerce des subsistances. Parmi eux combien d’agents de Versailles, combien de soldats déguisés peut-être ! On exige une carte d’identité, la mesure n’est certes pas trop sévère, malheureusement, elle n’est que d’une faible garantie : car les cartes d’identité se passent ou se prêtent, se vendent même avec la plus grande facilité. On ne semble pas prévoir l’impossibilité dans laquelle se trouveraient tous les citoyens qui ne font pas partie de la garde nationale, de se faire délivrer immédiatement leur carte, c’est une maladresse