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journal de la commune

dans cette exploitation, il ne faut pas qu’on puisse le soupçonner d’en partager les filouteries, tandis que la réparation lui en incombe, au contraire, depuis qu’il existe des hospices et des maisons de secours. C’est à l’État de donner l’exemple de la moralité publique dans les transactions publiques. La réforme du grand système d’exploitation qui fait loi maintenant n’est point aisée, mais elle n’est pas impossible, elle est bien moins difficile qu’on voudrait le faire accroire. La première grande mesure à prendre est celle de la publicité. Que les prix de main-d’œuvre, condition essentielle du travail, soient aussi une condition essentielle du marché, qu’ils soient sujets à soumission par l’entrepreneur, à acceptation par l’État, et que l’adjudication conclue, que les faits consentis soient publiés, afin que le public se rende compte s’ils ne sont pas inférieurs aux prix courants tels qu’ils sont cotés au marché du travail. Car l’État, représentant et défenseur des droits collectifs, violerait son propre principe en commettant l’injustice, il ferait acte de suicide en favorisant une partie de la communauté aux dépens de l’autre, en favorisant surtout le petit nombre aux dépens du grand nombre.

Inutile de dire que ce pas fait par la Commune vers la suppression des intermédiaires, que la déclaration qu’on s’adresserait tout d’abord aux travailleurs eux-mêmes et qu’à conditions égales on donnerait la préférence aux associations ouvrières, sera déclarée une monstruosité sociale. Il nous semble entendre déjà nos économistes patentés, les journalistes de Versailles et ceux même de Paris, comme La Nation Souveraine, L’Avenir National et Le Siècle, qui, sous couleur de jacobinisme ou de républicanisme bourgeois, font une guerre à la Commune de plus en plus violente, il nous semble les entendre déclarer que la loi primordiale de l’offre et de la demande est mise en péril, qu’il va prendre fantaisie aux crétins de l’Hôtel de Ville de fixer eux-mêmes les prix, les salaires, les loyers de toute chose, les cours de la Bourse : ils diront que la Commune prétend se transformer en Providence du prolétaire, lui distribuer chaque jour sa ration de travail, de pain, de vin, de viande et ses bons de spectacles ou même de lupanars. On dira peut-être que la Commune songe à s’organiser une armée pour terroriser les ateliers et violenter les producteurs, à cons-