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journal de la commune

donné la direction suprême de nos armes à Delescluze. Elle eût pu plus mal choisir. Delescluze impose le respect de tous par son honneur incontesté et incontestable, par son ardente foi républicaine. C’est un de ces hommes rares qu’on a toujours vus au niveau des événements : à mesure que le péril augmente, leur courage, leur sang-froid et leur bon sens augmentent dans la même proportion. Delescluze est un des bons génies de la Commune, elle en a plusieurs de mauvais. Pour être à la hauteur de sa tâche, Delescluze a maîtrisé même son caractère et ses penchants : de violent, de raide, d’autocrate qu’il était, il s’est fait accommodant, malgré ses antipathies antérieures, il ne s’est laissé engager dans aucune querelle avec les blanquistes, avec Pyat, avec Vermorel : « Nous n’avons pas le temps de suffire à tous nos devoirs, dit-il, et nous trouverions celui de nous être désagréables ! » Delescluze fut pendant plus de douze ans le conseil et le confident de Ledru-Rollin, son lieutenant, et, quand son chef, largement distancé par les événements, alla se réfugier dans la solitude de Fontenay-aux-Roses, Delescluze ne se laissa pas décourager. Affranchi de tutelle, il a fait des progrès rapides. Il y a dix ans, comme on eût étonné ce jacobin, cet autoritaire, en lui prédisant qu’un jour, il serait à la tête d’une révolution décentralisatrice, comme on eût étonné cet ennemi du socialisme et du communisme en lui disant qu’un jour, à la Commune de Paris, des socialistes le groupe le plus modéré et en même temps le plus raisonnable de l’Association internationale des travailleurs se réunirait autour de lui !

Si Delescluze n’est pas un militaire, au moins est-il intelligent, ce qui est quelque chose. Mais il est certain que, dans cette effroyable crise, même le plus grand général du monde hésiterait à se charger d’une responsabilité aussi périlleuse. Sans doute, le fort d’Issy n’est pas une grande perte, mais ses voisins de Vanves et Montrouge ne sont aussi qu’un informe amas de décombres ; déjà même Vanves a été lui aussi abandonné par sa garnison pendant quelques heures. Un des premiers actes du nouveau délégué à la Guerre a été de faire réoccuper ce terrier par le général Wrobleski ; les Versaillais, qui s’en croyaient déjà les maîtres, ont été délogés à la baïonnette sans doute, Issy et Vanves peuvent être nivelés au sol, sans trop de dommage.