Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
journal de la commune

cidents. Le surlendemain les dames de la capitale rurale, les générales, colonelles, lieutenantes, préfètes et sous-préfètes, les épouses de Messieurs de l’Assemblée insultaient les garde nationaux qu’on faisait défiler devant elles, prisonniers, les mains liées derrière le dos ; de leur éventail mignon, elles les souffletaient, et dans les figures pâles et sanglantes, elle assénaient des coups d’ombrelles.

À mesure que s’échauffe la bataille entre Paris et Versailles plus nombreuses sont les femmes qui prennent part à la lutte. Plusieurs ont ramassé le fusil de leur mari tué, de leur frère ou de leur amant. La plupart des cantinières font le coup de feu à l’occasion. Quelques filles se sont déguisées en hommes et combattent toujours à l’avant-garde. Mais personne n’a songé à reprendre l’idée mise en avant par M. Félix Belly, pendant le premier siège de Paris, la création de bataillons féminins sous le nom d’Amazones de la Seine, avec un brillant costume et des carabines-joujoux. L’idée n’était soutenable, elle n’était même décente, que les femmes se seraient enrôlées dans ces compagnies poussées par le plus pur et le plus ardent patriotisme. Or le patriotisme, monté à ce degré, a fait oublier les faiblesses et les convenances ordinaires du sexe, oublier surtout les oripeaux du costume. Les femmes qui ont combattu derrière les barricades de Neuilly partent avec leurs maris et voisins, dans leur robe de tous les jours avec ou sans coiffure, comme si elles allaient chez le boulanger. Les femmes n’ont le droit d’aller à la bataille que si elles ont la passion du droit et cette passion seule. Une vaillante femme, qui a quitté le repos de sa province pour partager le danger de ses amis, mais qui ne combat encore qu’avec la plume, Madame André Léo, a, l’autre jour, noblement, parlé aux femmes :

Il ne s’agit plus aujourd’hui de la défense nationale. Le champ de bataille s’est agrandi, il s’agit de défense humanitaire, des droits de la Liberté. Maintenant le sort du droit en ce monde est lié au sort de Paris. Maintenant le concours des femmes devient nécessaire. À elles de donner le signal d’un de ces élans sublimes qui emportent toute hésitation et toute résistance. On les voit anxieuses, enthousiastes, ardentes, l’âme attachée aux péripéties du combat, l’œil plus rempli de feu que de larmes, se donner