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journal de la commune

et ses bourreaux. Ce n’est pas la paix, c’est la guerre à outrance que réclament les travailleuses de Paris… La Commune, représentante des principes internationaux et révolutionnaires des peuples, porte en elle la Révolution sociale, les femmes de Paris le savent ; elles prouveront à la France et au monde qu’elles aussi sauront, au moment du danger suprême, et aux barricades même, donner leur vie pour le triomphe du peuple. Parmi les signataires, ouvrières pour la plupart, je distingue le nom de guerre d’une jeune dame russe, intelligente et enthousiaste, qui, l’autre hiver, groupait autour d’elle d’ardents admirateurs.

Il est certain que des femmes en grand nombre sont entrées dans le mouvement populaire. En vain l’Eglise les avait bercées sur ses genoux et, d’une voix chevrotante, avait assoupi leurs esprits dans les ténèbres du catéchisme, dans la sainte obsurité des mystères insondables, elles ont été réveillées en sursaut. Versailles canonnait Paris. Elles s’alarmèrent pour leurs foyers menacés, pour leurs maris, leurs fils et leurs frères, la cause qu’ils défendaient leur est devenue sacrée, celle de la Révolution, celle du travail, celle de la libre pensée, car le prêtre leur est aujourd’hui antipathique. Je n’en entends aucune demander l’égalité des sexes devant l’urne électorale, mais elles se réclament avec ardeur du titre de citoyennes, et, ce qui est plus, agissent en citoyennes.

Dès le lendemain de l’attaque de Neuilly, Marie Curton adressait un appel aux femmes de Paris :

« Citoyennes, mes sœurs ! La lutte est commencée entre l’armée de Versailles et nos maris et frères qui défendent la République et la Commune… Des Français contre des Français ! C’est horrible à penser. S’il y a un moyen d’arrêter ces affreux égorgements de citoyens et d’amis, ce moyen est dans nos cœurs et dans nos mains : dans nos cœurs parce qu’ils aiment, dans nos mains parce qu’elles sont faibles. Levons-nous toutes à la fois et renouvelons l’héroïsme de ces immortelles Sabines qui, voyant d’un côté leurs maris et de l’autre leurs pères et frères, se jetèrent avec leurs enfants entre les deux armées, et vainquirent la guerre par l’amour. Allons comme elles, nos enfants dans les bras, nous placer devant la gueule des canons et