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journal de la commune

il était joueur, il avait besoin de jouer quand même, besoin de gagner ou de perdre. Napoléon est lâche et couard, mais d’une couardise particulière, il a toujours besoin d’être exposé à quelque danger, de courir quelque risque. Son tempérament est ainsi fait, c’est le tempérament d’un joueur. Il s’est donc lancé dans l’expédition d’Allemagne, comme tel autre de ses compères aurait été porter sa fortune à Ems, à Hombourg, à Baden Baden et l’y perdre.

La fortune de Bonaparte était la fortune de la France, qui a été s’engouffrer dans la débâcle de Sedan. C’était justice. Une personne privée ne confie pas son argent à un joueur, une personne honnête ne confie pas son honneur à un aventurier de la pire espèce.

Après Sedan, que faire ? Confier la régence de l’Empire à l’Impératrice Eugénie, frivole, cruelle, superstitieuse et fanatique, sotte et cagote ? Impossible d’y penser. Donner le gouvernement à Henri V ? Nul en France ne l’aurait osé. Le confier aux Princes d’Orléans ? — Où étaient-ils ? Très heureux d’échapper à la terrible responsabilité, ils se sont blottis, muets, au fond de leur exil. Restait la République : la seule chance que la France eût de se sauver, c’était de se jeter franchement et sincèrement dans les bras de la vraie République, de la République populaire.

Mais quand on a vécu dans le mensonge, il est impossible de rentrer dans la vérité de plain pied et sans transition, et c’est là le châtiment du menteur. — Après avoir pendant vingt années commis adultère avec l’Empire, la France ne pouvait pas soudain être républicaine parce qu’elle avait écrit République sur son enseigne : après avoir semé l’iniquité et avoir savouré ses fruits empoisonnés, elle ne pouvait se mettre immédiatement au régime hygiénique de la Justice.

Du gouvernement d’un parjure, la France retomba fatalement dans le gouvernement d’autres parjures. Bonaparte avait rétabli l’Empire à son profit, après avoir juré fidélité à l’empire. Il fallait une transition — et le 4 septembre, quoi qu’on dise et quoi qu’on eût voulu, il n’y avait de possible au pouvoir que les chefs de l’opposition, que ceux qui s’étaient illustrés pendant vingt ans à tuer et bafouer l’Empire, et finalement à déconseiller la guerre fatale. —