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journal de la commune

le droit incontestable qu’ont les villes de s’administrer elles-mêmes. Nous venons leur rappeler à toutes deux une chose plus sainte encore, le devoir d’épargner la France et la République.

À l’Assemblée nationale nous dirons : Voici déjà trop longtemps que vous dirigez contre Paris des attaques meurtrières, que vous lui faites une guerre sans trêve. Le sang coule à flots. Après le siège des Prussiens, dont vous avez pris la place, le blocus des Français contre les Français !…

Qu’espérez-vous ? Votre dessein est-il d’enlever Paris d’assaut ? Vous n’y entreriez dans tous les cas que sur des monceaux de ruines fumantes, poursuivis par les malédictions des veuves et des orphelins. Vous ne trouveriez devant vous qu’un spectre de ville. Et le lendemain d’une telle victoire, quelle serait votre autorité morale dans le pays ? Ouvrez les yeux, il en est temps encore, reconnaissez qu’une ville qui se défend avec cet héroïsme contre toute une armée française est animée par quelque chose de plus sérieux qu’une vaine passion et une aveugle turbulence. Elle protège un droit, elle proclame une vérité.

Ne vous retranchez pas derrière une analogie qui n’est que spécieuse. Dans la guerre civile qui a désolé la grande République Américaine, le Sud combattait pour le maintien de l’esclavage ; Paris au contraire s’est soulevé au nom de la liberté. Si vous voulez emprunter des leçons à l’histoire, souvenez-vous plutôt des hommes d’État de la Prusse qui, au lendemain des désastres de Iéna, donnèrent à leur pays meurtri et humilié les mâles consolations de la liberté qui relève et régénère les peuples.

À la Commune nous dirons : Prenez-y garde ; en sortant du cercle de vos attributions, vous vous aliénez les esprits sincères et justes. Rentrez dans la limite des revendications municipales. Sur ce terrain, vous avez pour vous le droit et la raison. N’employez pas pour défendre la liberté des armes qu’elle désavoue. Plus de suppression des journaux ! Ce ne sont pas les critiques, ce sont vos propres fautes que vous devez redouter. Plus d’arrestations arbitraires ! Plus d’enrôlements forcés ! Contraindre à la guerre civile, c’est violenter la conscience. Songez du reste aux dangers imminents et terribles que la prolongation d’une lutte fratricide