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journal de la commune

jetés à coup de crosse dans des caves et suffoquant dans d’immondes lieux d’aisance. Le Freemans’Journal de Dublin racontait naguère pour l’édification des malheureux Irlandais qu’en parodie de la passion de notre Seigneur, l’infortuné Monseigneur, sitôt après son arrivée à la Conciergerie, fut entouré par une bande de ruffians qui, après l’avoir déshabillé et déchaussé, l’attachèrent à un pilier, lui mirent un long roseau à la main et le fouettèrent jusqu’au sang. Le digne prélat endura le supplice avec calme et résignation. C’est pour faire suite au racontar du Journal jésuite de Charleroy affirmant que le vendredi saint les gardes nationaux ont fusillé huit prêtres de Paris, les ont fait cuire au court-bouillon et payaient trois francs par tête aux convives de ce banquet de cannibales.

Pour n’être ni fouetté ni rôti ni mangé, l’archevêque de Paris n’en est pas moins dans une position excessivement désagréable : la perspective d’être responsable des faits et gestes d’un de ces défenseurs de l’ordre, de la Famille et de la Religion, tels que M. de Galliffet pourrait, et à juste titre, le mettre dans les transes.

Il s’est donc accroché à l’idée suggérée par M. Flotte, un ami de Blanqui, que, puisque la Commune avait répondu à l’emprisonnement de Blanqui par l’emprisonnement de monseigneur Darboy, il suffirait que Versailles délivrât Blanqui pour que la Commune libérât Monseigneur. L’idée était bien simple en effet, et tout homme à la place des deux prisonniers l’eût acceptée avec un transport de joie.

Du côté de la Commune, la négociation n’offrit pas la moindre difficulté. Pour Blanqui tout seul, la Commune offrait de rendre l’Archevêque et Mademoiselle Darboy. Craignant toutefois des mauvais vouloirs du côté de Versailles, l’archevêque demanda que l’un de ses co-détenus, M. Lagarde, son premier vicaire général, homme discret, insinuant et éloquent par dessus le marché, serait envoyé auprès de M. Thiers, porteur de lettres de MM. Darboy et Deguerry, porteur en outre de leurs confidences et pressantes sollicitations. La Commune s’y prêta sans difficulté ; elle n’y mit d’autre condition que celle-ci : « Si M. Lagarde n’obtient pas de M. Thiers l’échange de Blanqui, M. Lagarde affirme sur sa parole d’honneur qu’il réintégrera sa cellule de Mazas. »