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journal de la commune

Tel n’a pas été l’avis de la Commune. Elle se fonde sur le fait que deux à trois cent mille habitants, on ne sait pas au juste, ont quitté Paris, qu’il y a un exode journalier de bourgeois et jeunes gens qui fuient en province l’obligation de défendre la ville et que toutes ces non-valeurs sont des électeurs inscrits. Le huitième des électeurs inscrits, proportion très équitable, cesse d’être raisonnable quand une masse indéterminée d’électeurs inscrits a disparu. Il faut donc considérer la loi comme nulle et non-avenue.

— Mais alors, a-t-on objecté à la Commune, on ne pourra pas protester par l’abstention. (Du moins pourrait-on prendre la peine d’aller mettre dans l’urne un bulletin blanc) ce qui est bien le minimum des droits que vous devez reconnaître à vos ennemis. En supposant que tous vos ennemis s’abstiennent et que tout le monde soit de vos ennemis, on peut par supposition arriver au résultat absurde qu’il suffit à un seul candidat de se présenter et de se donner à lui-même sa propre voix pour entrer.

Devant la force de l’objection, la commission qui a présenté son rapport sur l’incident a fait adopter un biais à la Commune. Pour être élu, le candidat doit avoir obtenu la moitié au moins des suffrages exprimés, plus un.

C’est une solution comme une autre, mais la Commune a eu le tort de l’appliquer immédiatement aux élections dernières. De cette façon vingt élections ont été déclarées suffisantes. Onze étaient légales, pour neuf d’ajoutées, valait-il la peine de violer le principe de la non-rétroactivité des lois ? Quelle force morale ces neuf individus pourront-ils ajouter à la Commune ? On pourra toujours leur dire : « Vous êtes nommés illégalement. Vous êtes des intrus et des usurpateurs. Toute délibération à laquelle vous prendrez part sera nulle et non avenue. Par le seul fait de votre entrée, vous invaliderez les actes futurs de la Commune. Vos onze compagnons, nommés en vertu du même décret que vous, ne sont plus que vos compagnons d’illégalité. Et les soixante ou les soixante et dix anciens Membres qui ont rendu le décret ne sont plus que vos complices et souteneurs. Par cet acte, la Commune se suicide ».

Ainsi raisonnent les Versaillais avec une logique sévère. Ils disent vrai, ils ne disent que trop vrai. Rogeard, l’in-