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journal de la commune

Jeudi 20 avril.

La fortune des armes est journalière. Avant-hier, nous n’avons pas été heureux de l’autre côté de la Seine. Les Versaillais, choisissant leur moment, ont inondé tout à coup Colombes, Bécon, Asnières avec des forces quintuples de celles de la Commune. Ils se sont précipités au pas de course, leur premier élan emportait les obstacles : dans la première partie de la journée, il semblait qu’ils dussent nous balayer de l’autre rive. Déjà ils avaient repoussé jusque dans Asnières des bataillons surpris qui ont traversé le pont en toute hâte, mais qui se sont reformés à Clichy la Garenne, tandis que Dombrowsky rétablissait le combat ; au soir et hier matin, il avait repris, après une sanglante lutte, ses anciennes positions, sauf toutefois le château de Bécon, qui, malheureusement pour nous, domine ses alentours immédiats entre Asnières et Courbevoie. Dombrowsky n’a pas pu non plus délivrer les prisonniers, entraînés immédiatement à Versailles.

De part et d’autre, on s’est canonné du haut de wagons blindés et des mitrailleuses couraient à toute vapeur sur les rails.

À Neuilly, combat perpétuel, égorgements incessants. On avance, puis on est forcé de reculer, ce qu’on perd, on le regagne. D’horribles choses s’y passent : on ne peut sans émotion songer au sort de ces malheureux habitants, innocents de tout ce conflit ; leurs maisons servent de point de mire aux canons des deux armées, ils ne quittent plus leurs caves, ni de jour ni de nuit, pour échapper aux balles qui se croisent sur leurs têtes.

Vendredi 21 avril.

Les familles de Paris qui ont le malheur d’avoir de leurs membres faits prisonniers par les Versaillais et amenés captifs dans les bagnes et pontons de Brest et de Toulon, d’Aix et de Belle-Isle apprennent avec horreur les souffrances et les ignominies que des soldats ont eu le hideux courage de faire subir à des gardes nationaux, que des monarchistes français infligent à des républicains français. Le gouvernement responsable de ces énormités est une coalition de modérés, comme on dit, de libéraux, et même de grands libéraux. Or, les gardiens de ménagerie sont