Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
journal de la commune

Français à tuer des Français ? Une guerre entre citoyens est une guerre entre opinions. Au fond de celle-ci, il y a le duel de la Monarchie et de la République. Et si celui que vous enrôlez est monarchiste, vous feriez en le contraignant à tirer sur la monarchie ce que ferait le gouvernement de Versailles en contraignant les républicains des départements à marcher contre Paris. Vous feriez quelque chose d’analogue à ce que faisaient les Prussiens lorsqu’ils obligeaient les paysans français à travailler à leurs tranchées. En guerre étrangère, il faut la levée en masse ; mais en guerre civile, il ne faut que des volontaires.

Tout cela est on ne peut mieux dit. Certainement il ne faudrait dans une guerre civile que des volontaires, car dans ce cas il n’y aurait plus cette horrible chose qu’on appelle guerre civile. Le gouvernement de Versailles a fait appel aux volontaires de la guerre civile ; les Préfets, les Maires, les Députés, toute la machine gouvernementale a été chauffée à toute vapeur, Thiers a de sa plus belle plume écrit à toutes les communes de France, il ne demandait que mille volontaires par département. Qu’a-t-il eu en fait de volontaires ? Sept à huit cents individus se sont enrôlés, non pas dans chaque département, mais dans toute la France ; Zouaves pontificaux, gens ruinés ou tarés, écrasant des bottes éculées, deux ou trois cents de ces messieurs ont poussé jusqu’à Versailles, où ils ont tous demandé leur nomination de capitaine ou au moins de sous-lieutenant. Voilà ce que Thiers, Favre, Picard et Cie ont trouvé en fait de coreligionnaires, de volontaires de l’ordre, de la famille et de la propriété, dans les cinquante millions de kilomètres carrés, superficie de la France. Les ennemis de la Commune qui lui font un crime si noir d’enrôler à la défense de Paris d’autres soldats que des volontaires, veulent-ils retourner l’argument de l’autre côté, veulent-ils aussi contraindre Versailles à n’employer que des volontaires à son service ? Versailles lève le ban et l’arrière-ban de ses soldats disponibles, en mendie de Bismark qui, tous les jours, lui en expédie une cargaison nouvelle des prisons d’Allemagne. Versailles triche encore ce bon M. de Bismark sur le nombre de bayonnettes que celui-ci permet d’avoir. Versailles lance ses gendarmes à la chasse des réfractaires. Versailles fusille tous les soldats qui font des