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journal de la commune

résistera pas longtemps au parti de l’ordre qui se lève sur tous les points de la France. Déjà l’état de siège a été décrété.

… M. le Chef du Pouvoir exécutif, d’accord avec le Garde des Sceaux, afin d’abréger la procédure devant les conseils de guerre, et de statuer le plus promptement possible sur les crimes des misérables qui désolent la France… propose à l’Assemblée le décret suivant :

« L’instruction préalable n’est plus nécessaire. »

Il nous semblait que sans instruction préalable il ne saurait y avoir de prévenus, encore moins de coupables. Tout cela est supprimé désormais par MM. Thiers, Dufaure et l’Assemblée agissant de concert ; pour fusiller les gens, une instruction préalable est désormais inutile. Trois officiers quelconques pourront toujours être considérés comme une cour martiale, ils vous fusilleront d’abord, vous réclamerez ensuite !

Un député de Paris, M. Tolain, souleva, hésitant et timide, diverses objections : il n’y aurait peut-être plus de justice,…car, enfin, la juridiction des tribunaux militaires est déjà fort expéditive, elle laisse à peine aux juges le temps de distinguer les innocents et les égarés des coupables et des criminels. Mais les clameurs de l’Assemblée étouffèrent bientôt les protestations de M. Tolain.

C’est ainsi que procède le parti de l’ordre. M. Thiers, l’auteur de notre guerre civile, fait tout ce qu’il est possible pour la rendre atroce et cruelle. Sur la tête de ce méchant, tombe la responsabilité de tout le sang déjà versé, de tout le sang qui sera encore répandu ! Mais qu’importe à ce vieillard vaniteux et égoïste, obstiné, madré et menteur, que lui importe, pourvu qu’il ait le dernier mot ! Il a déjà fait tuer plusieurs centaines d’hommes… ; s’il en fait tuer quelques milliers encore, tant mieux pour lui !… Le petit homme se juchera sur des échasses et sautillera triomphant par dessus les cadavres étendus.

Donc, M. Thiers n’admet pas l’existence de la guerre civile dont nous lui sommes redevables. Il enrôle de force tous les soldats, les jeunes mobiles, les prisonniers revenant d’Allemagne sous le drapeau tricolore : Sus aux Parisiens ! Si vous pensiez devoir les traiter en frères et en Français, si vous étiez assez traîtres à la patrie pour ne pas les écraser, vous seriez fusillés !